jeudi 29 mars 2012

lettre de rentrée 2012 : le CDI ne deviendra pas un learning centre...

viennent de paraître aujourd'hui les Orientations et instructions pour la préparation de la rentrée 2012
je ne vais pas faire une lecture détaillée, schématiquement : personnalisation à tous les étages, égalité des chances et réforme du lycée.
l'intéressant, dans la partie "Accélérer le développement des usages du numérique" est cette petite phrase qui m'a interrogée : "les établissements peuvent réfléchir à la mise en œuvre de « centres de connaissances et de culture » (3C). Ce projet éducatif et pédagogique s'appuie sur les compétences du professeur-documentaliste qui peut, dans cette perspective, recourir au soutien des CRDP. Le centre de connaissances et de culture privilégie à la fois le numérique et le livre, dans une approche où la maîtrise de la langue est un appui indispensable aux autres apprentissages."

j'ai, bien évidemment, cliqué sur le lien pour savoir ce qu'était ce pompeux "centre de connaissances et de culture". Le centre est une évolution du CDI (j'aime voir les lieux évoluer). Ils sont à l'image des e-learning centres anglais (on sait que le système éducatif anglais est l'un des plus performants, enfin surtout les écoles privées...).
  • Que trouve-t-on dans ces "centres de connaissances et de culture"? Des enseignants et des personnels encadrants (je ne sais pas dans quelle partie l'institution met le prof-doc) qui donnent des conseils et des aides méthodo, surtout pas d'enseignement! Je vous laisse lire
  • que fait-on dans ces "centres de connaissances et de culture"? on apprend à maîtriser la langue (si, si, en fait, on est prof de français...en reconversion?), on donne aux élèves plus d'autonomie dans leur parcours (mais de quelle autonomie parlons-nous?) et plus d'occasions de collaborer entre eux (spontanément?). c'est un lieu privilégié pour "personnaliser l'accompagnement des élèves et développer de nouvelles pratiques pédagogiques adaptées à leurs besoins" (là, je suis d'accord). On y tient aussi des réunions, comme la conférence des délégués ou le CVL
  • comment sont ces "centres de connaissances et de culture"? Ce sont des espaces conviviaux et chaleureux pour favoriser le travail (toujours la même vision "mettons des poufs et des plantes vertes pour faire réussir les élèves")

donc, exit les learning centre, welcome les centres de connaissances et de culture... erreur, jeune Jedï, en regardant la vidéo qui nous explique l'extraordinaire, le magique voir le miraculeux projet de Schiltigheim, seule la voix off parle de "centre de connaissances et de culture". Et nous voilà dans le coeur du programme : on change de terme pour recouvrir le même concept tellement décrié. Les professeurs documentalistes ne veulent pas de "learning centre"? Pas de problème, c'est pas ce qu'on propose, ce sont des "centres de connaissances et de culture". On y retrouve le mot "centre", commun au CDI et au learning centre, on y trouvent des connaissances (évidemment, qui va contester le fait qu'il y ai des connaissances dans un CDI?) et en bonus, on y trouve de la culture, attention, pas des cultures, non, juste une, LA Culture (avec un Q majuscule comme diraient mes élèves).

en regardant la vidéo, je me suis rendue compte que ce qu'elle nous montre, en tout cas en ce qui me concerne, c'est presque mon activité de tous les jours : les élèves peuvent travailler en petits groupes (le truc de dingue), ils peuvent aller sur les ordis et dans les livres dans le même endroit (oh là, où on va Marty?), on peut y faire cours ou laisser les élèves en autonomie et même leur apporter des conseils et remédiations en cas de problèmes (ça veut dire qu'on considère les élèves comme des êtres apprenants en construction, qui ont besoin d'étayages? Ca révolutionne l'ensemble du système éducatif français). Excepté que, au CDI, la page d'accueil n'est pas Google (je sais, quel anticonformisme, ne me dénoncez pas)!!!

bref. J'ai ré-inventé le fil à couper le beurre. Pourquoi utiliser une nouvelle dénomination pour recouvrir les mêmes activités? Parce qu'il y a une différence, et de taille : la disparition des prof doc du paysage! On ne parle jamais de son action. Oh, on en fait mention : en effet, le centre de connaissances et de culture (qui est un lieu, je le rappelle) s'appuie sur ses compétences (comme le monde sur Atlas). Le prof doc peut lui-même s'appuyer sur le CRDP (peut-être même en faire partie, carrément). Où est l'élèves dans cette drôle de pyramide? il plane au-dessus de tout ça, essayant de s'en sortir "en autonomie" (ce qui est valable pour un élève en BTS ne l'est pas pour un élève d'ULIS)


vendredi 23 mars 2012

"anecdote de doc" (y a un copyright?)

mon principal arrive tout sourire au CDI avec une liasse de feuille :

Lui : vous savez, madame mali, que nous allons faire partie de la 4ème vague d'équipement en vue de l'ENT?
Moi : oui
Lui : pourquoi souriez-vous?
Moi : pour rien...
Lui : dans le cadre de cet ENT nous nous sommes vu attribuer...
Moi : un chèque ressources numériques
Lui : oui, vous êtes au courant?
Moi : je préférerais qu'on en parle en conseil pédagogique, les prof doc sont un peu en colère sur ce sujet
Lui : ah bon
Moi : on nous a attribué le bébé d'office sans que l'on se sente légitime pour décider à quelle discipline donner la priorité
Lui : y a pas que vous de cité, c'est "en particulier les professeurs documentalistes" mais pas que...
Moi : aujourd'hui, c'est en particulier. Hier on recevait les info sur nos boîtes académiques "cdi" et professionnelles (ma.li@ac-nantes.fr)*
Lui : donc, vous voulez pas vous en occuper?
Moi : j'ai pas dit ça! Le sujet doit être débattu en conseil pédagogique. 1- les ressources vendues sont essentiellement disciplinaires (des manuels numériques), 2- Les ressources sont vendues en licence élève donc c'est 3€ sur le catalogue mais multiplié par le nombre d'élèves, on ne peut choisir que 2 ressources au final et c'est pas moi qui ferais ce choix, 3- la plupart des ressources vendues ont un équivalent gratuit en ligne
Lui : ok, je vais jeter un coup d’œil au catalogue, merci

l' argument que j'aurai dû donner en plus : le chèque est sûr pour cette année, peut-être pour l'année prochaine mais qu'en est-il de l'avenir? Nous habituons les professeurs à une ressource subventionnée et demain il faudra prendre sur les crédits disciplinaires pour la payer.

* évidemment, c'est pas mon mail pro, n'envoyez pas vos commentaires d'admiration devant mon courage, ma perspicacité et mon sens de la répartie à cette adresse!

jeudi 22 mars 2012

le détournement

Synthèse de l'article (un peu fouillis) de François Daveau paru dans inter-CDI publiée sur le site des Trois Couronnes : comment notre institution détourne notre mission d'enseignement au profit d'une mission d'éducation (bah oui, comme la vie sco ->avec la vie sco -> intégré à la vie sco -> ? )

mardi 20 mars 2012

semaine de la presse

Un peu occupée avec toutes les formations, actions, journée départementale, stage et vie perso, je n'ai pas trop eu le temps de réfléchir à la semaine de la presse. Bien sur, je mets en place un classique kiosque, les élèves de 6ème ont une première approche du périodique (à noter que le mot a disparu d'esidoc ... bien embêtant pour les formations).
heureusement, découvert sur le site des Trois Couronnes, Gildas Dimier, sur cactus acide, nous propose une séance orientée 3ème/2nde sur la photographie de presse

lundi 19 mars 2012

la relève ... du courrier

Tous les midis, on y passe, le casier déborde de courriers divers et variés. Aujourd'hui, caché entre deux colis de la semaine de la presse, une petite enveloppe qui ne paye pas de mine envoyé par Berger-Levrault.

Suspens à l'ouverture, le titre d'une publication de cette (peut-être) maison d'édition : "le professeur documentaliste, le nouveau défi de l'enseignement scolaire à l'air du numérique : un guide éclairé pour maîtriser tous les nouveaux enjeux! ".

je passe sur le guide "éclairé" (terme qui m'a toujours fait rire, n'en déplaise aux Lumières) et regardons de plus près les informations fournies (semaine de la presse oblige).
  • les auteurs : Françoise Leblond (personnel de direction dans l'académie de Paris et dirige le lycée d'Etat, Foyer des Lycéennes Jean Zay, centre de concours des personnels d'encadrement de l'Education nationale. Certifiée en documentation et docteur ès Lettres, elle a notamment exercé des fonctions de proviseur, de principal, de chargée de mission " Etablissements et vie scolaire " au rectorat, et de chef du bureau des collèges au ministère de l'Education nationale), Charles Moracchini ( Architecte dplg, docteur de l'Université en géographie sociale, Charles Moracchini est inspecteur de l'Education nationale et responsable de ZEP. Spécialiste de l'aménagement scolaire des zones fragiles, il s'intéresse plus particulièrement aujourd'hui aux fondements du sens de l'expérience scolaire de tous les élèves au sein de l'école de masse. Auteur d'une méthode complète d'études dirigées fondée sur le concept de " mentalité scripturale ", du cycle 2 au cycle 3, intitulée " Le Tour du Jour en 30 minutes ") et Brigitte Pierrat (rien trouvé sur elle sur Decitre mais un livre sur le bilan de compétence) Les auteurs ont l'air de savoir de quoi ils parlent
  • l'accroche : suffisamment lèche-botte : le professeur documentaliste "porteur d'une responsabilité toute particulière dans le système éducatif", mon préféré : "à la croisée de deux mondes (Pullman, sort de ce corps) [...] le beau métier de professeur documentaliste reprend tout son sens et toute sa valeur"
  • les encadrés : là, ça se gâte : "comment accompagner l'évolution du centre de documentation vers un learning-center" aïe, moins intéressant, la question à se poser serait plutôt : faut-il transformer le CDI en LC? Qu'y gagneraient les élèves (ma réponse est : rien si ce n'est une perte encore plus grande de repères, une attitude consommatrice envers l'information et une autonomie physique au détriment d'une autonomie intellectuelle)
  • ce que je ne comprend pas : "comment porter une attention particulière au processus de construction identitaire de chaque élève"? alors là? on parle d'aide individualisée, d'éducation à ... ? je ne sais pas
  • ce qui me fait rire (jaune) :" les croyances individuelles"

passons sur l'encadré "guide pratique", je n'ai pas lu le livre mais la description ne fait pas vraiment envie : la révolution du CAPES (parlons d'une catastrophe pour le système éducatif français), des conseils heureusement éclairés (parce que s'ils sont sombres, ça sert à rien)...

un peu dég' (comme disent les djeunes), je tourne ce prospectus avec une certaine appréhension (comme disent les moins djeunes). et là, miracle, la table des matières avec un florilège d'expressions plus imagées les unes que les autres qui ont bien fait rigoler la salle des profs : le professeur documentaliste "ange gardien du cerveau de l'EPLE" (après les croyances...), "planter une clôture pour mieux s'élever", "le CDI, terre d'accueil au sein de l'EPLE", chapitre 2 : "prendre enfin au sérieux les comportements et les attitudes scolaires", "l'amour des savoirs, boîte noire de la politique documentaire", "la politique documentaire pour vaincre la peur de penser" (j'ai du mal à garder mon sérieux en écrivant!). Le chapitre 3 oublie la partie professeur de professeur documentaliste mais n'en est pas moins très drôle (pour exemple : "la classification comme mise en ordre de l’intériorité de l'élève" oui madame). Le chapitre 4 clôt magnifiquement ce travail : "compétence sans conscience n'est que ruine de l'âme" (rien que ça), "le cœur de cible du professeur documentaliste :mettre la narration et la pensée conceptuelle à la portée de tous les élèves", "réenchanter les valeurs créatives de l'école en temps de crise", "la condition d'outlaw du professeur documentaliste" (rien que ça, hors-la-loi?) pour finir par une partie consacrée, enfin, au "métier de professeur documentaliste"

en conclusion, alors que j'encourage mes élèves à ne pas s'arrêter à la couverture, à lire les premières pages pour voir... Je crois que je suis bien incapable de commander ce chef d’œuvre de 210 pages "environ"!

Alors que les professeurs documentalistes qui font entendre leurs voix luttent (peut-être pour, peut-être contre la majorité silencieuse) pour qu'on remettent l'élève au cœur de nos priorités et non les chiffres et cette logique comptable du seul résultat qui compte. Que faire pour convaincre nos institutions que ces élèves en valent la peine? Que oui, ils ne sont pas toujours polis, ils n'aiment pas forcément travailler, mais que les mettre à 34 par classe face à un ordinateur ne va pas les aider, bien au contraire!