Madame la ministre de l’Education Nationale,
Mesdames, messieurs les lecteurs de cette lettre,
Je m’appelle Marie et je suis professeur documentaliste. On m’appelle,
quelquefois avec ironie, « la dame du CDI ».
J’ai obtenu le CAPES de documentation en 2008. Ce CAPES, au même titre
que tous les CAPES, certifie de mes aptitudes au métier de professeur. Je vous
rassure, ce n’est pas un CAPES de couverture de livres, comme nous l’entendons
encore parfois. Nous relevons du domaine universitaire des Sciences de
l’Information et de la Communication et, tout comme le professeur de
mathématiques est le vulgarisateur de la pensée des grands mathématiciens, nous
avons un contenu très dense à mettre au niveau de compréhension des élèves de
collège et de lycée. Et tous les jours, je fais cours, j’enseigne aux élèves à
chercher des informations fiables, à comprendre les logiques de fonctionnement
des outils du numérique, à mettre en place une veille informationnelle, en
autre.
Une partie de ce contenu est repris dans les textes de la
réforme (la maîtrise du centre de documentation et d’information, la
validation de l’information par exemple) sous l’appellation d’Education aux
Médias et à l’Information (EMI).
L’an prochain, je pensais transmettre ces connaissances aux élèves sur
les temps d’Accompagnement Personnalisé (AP) qui sont, entre autre, dédiés à
l’acquisition des méthodologies de recherche. Je pensais organiser et/ou
participer à quelques Enseignements Pratiques Interdisciplinaires (EPI) ou lors
du parcours citoyen dont fait partie l’EMI.
Je voulais participer à l’AP mais voilà, je n’ai pas d’heures
disciplinaires à l’emploi du temps des élèves, je ne fais pas partie de la
sacrosainte Dotation Globale Horaire (DGH). Ces contenus, qui sont mon socle
disciplinaire, pour les enseigner aux élèves, je dois me positionner en
dédoublement des heures d’AP, selon le bon vouloir du professeur qui officie
sur ses heures disciplinaires, selon le bon vouloir du chef d’établissement. En
résumé, si l‘on veut bien me confier des élèves, j’enseignerais mais je ne
peux prévoir ni la progression des apprentissages info-documentaires, ni le
nombre d’heures qui me sera attribué, ni le nombre d’élèves qui pourra
bénéficier de mon enseignement.
Les élèves ne seront donc pas sur le même pied d’égalité, les
professeurs documentalistes non plus.
Je voulais participer aux EPI, principalement dans la thématique
« information, communication et citoyenneté » mais, pour les mêmes
raisons que l’AP, je ne peux le faire. Je ne peux mener un EPI avec un autre
collègue, je ne peux être que le 3ème professeur et le contenu que
j’apporterais ne sera pas évalué.
Encore une fois, mon rôle pédagogique est subordonné à mes
collègues et à mon chef d’établissement, entrainant une rupture ‘égalité entre
tous les élèves et entre chaque professeur-documentaliste.
Je voulais participer à l’EMI dans le cadre du parcours citoyen mais
aucun temps d’enseignement, aucune heure, n’est prévu par la réforme pour ce
parcours né des attentats de janvier et porteurs des valeurs de notre
République. Chaque collègue pourra ou non l’aborder en classe sans que notre
enseignement bénéficie à tous les
élèves. Si des collègues font appel à moi et à mon expertise, je répondrais
« présente » mais je ne peux les y obliger.
Encore une fois, la volonté d’égalité pour tous les élèves prônée
par la réforme est contrariée par celle-ci.
Je vous avoue que j’ai ma petite idée pour pallier à cette inégalité
des chances des élèves et à cette inégalité de traitement des professeurs
documentalistes.
Puisque l’EMI est devenue aussi importante à vos yeux qu’aux nôtres,
pourquoi ne pas nous l’attribuer officiellement sous la forme d’un enseignement
d’info-documentation que vous pouvez appeler « parcours ».
Les professeurs documentalistes sont d’ores et déjà présents 30h en
établissement à plein temps. Ces 30h ne sont pas comptabilisées dans la DGH,
elles ne relèvent pas des moyens accordés par l’Etat chaque année à l’établissement.
Il n’y aurait pas besoin d’augmenter les moyens des établissements.
Notre formation initiale et notre pratique quotidienne font de nous
des experts de l’Education aux Médias et à l’Information. Il y a donc un
professeur déjà formé dans chaque établissement scolaire, pas besoin de
financer de nouvelles formations.
Ce parcours d’info-documentation pourrait être de 15h par élève et par
an, pourquoi pas en parallèle des 10 heures de vie de classe assurées par les
professeurs principaux. D’un point de
vue pratique, il n’y aurait pas de hausse des heures d’enseignement puisqu’il
s’agit d’un parcours et aucune modification d’emploi du temps mais une
diminution des temps de latence des élèves.
Bien sûr, vous pouvez trouver à redire à ce projet qui est perfectible
mais, je vous en prie, ne nous laissez pas disparaître des enseignements des
élèves.
Respectueusement,
Marie
Professeur documentaliste en collège
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